BERNARD CHARBONNEAU
BERNARD CHARBONNEAU
Bernard Charbonneau (1910 - 1996) est une personnalité à part du monde écologiste. Pour quelle raison ? Parce qu’il a su, avant les autres, que l’existence de partis écologistes serait une erreur avec le risque de renier leurs convictions pour des avantages à court terme tant qu’une véritable révolution culturelle, un bouleversement volontaire des mentalités, ne serait pas réalisé.
Issu du Sud-Ouest de la France - il naquit à Bordeaux - et d’origine protestante, quoique relativement agnostique, doublement agrégé en histoire et en géographie, Bernard Charbonneau développe dans ses ouvrages une critique radicale de la société moderne. Ses critiques constituent une convergence toute personnelle entre l’anarchisme fédéraliste et le personnalisme. Cependant, il ne verse jamais dans le passéisme, la nostalgie ou le traditionalisme. Doté d’un solide bon sens, il observe son temps, constate la mutation de l’espace, décrit l’invasion de la Technique dans tous les pans de la vie quotidienne. Grand lecteur, il n’hésite pas à faire la dissection de la modernité. Il en dénonce toutes les manifestations : l’État centralisateur, les grandes entreprises, l’administration bureaucratique, les modes de consommation, l’automobile… Sa réflexion a grandement stimulé l’œuvre de son ami, le philosophe et juriste Jacques Ellul. A la différence des autres penseurs de l’écologie (sociologues, naturalistes, économistes…), Charbonneau pose toujours un regard d’historien et de géographe sur les faits qu’il analyse. Ainsi, il fait du pays, du paysage et du paysan les éléments centraux de sa recherche.
Si l’œuvre de Bernard Charbonneau — une quinzaine de livres — demeure encore largement méconnue, c’est peut-être parce qu’il a toujours refusé deux travers. Il récuse une conception écocentrique dans laquelle l’homme ne serait qu’un élément parmi d’autre de la Nature. Il estime que l’homme diffère du règne animal, et bien sûr des ordres végétal et minéral, parce qu’il est doué de conscience (et non d’intelligence). Cependant, il rejette aussi la vision habituelle anthropocentrique qui attribue à l’homme la maîtrise de l’univers.
La démarche de Bernard Charbonneau est tout autre. L’humanité est à la fois actrice et spectatrice. Il faut donc que s’instaure une symbiose, une coopération, entre l’homme et la nature qui sont les co-responsables de la Vie. Néanmoins, cette co-responsabilité n’est nullement une justification à la domination humaine.
Outre ses ouvrages, Bernard Charbonneau a aussi écrit dans Réforme, Foi et Vie, La Gueule ouverte, La République des Pyrénées. Ses livres sont très difficiles à se procurer. Une majorité a été publiée en auto-édition ronéotypée ou bien chez de petits éditeurs disparus. Il serait bien qu’un penseur de la qualité de Bernard Charbonneau ait enfin une Société d’Amis dont la première tâche consisterait à rassembler tous ses écrits afin de les publier en œuvres complètes.
M.M.
BIBLIOGRAPHIE
*L’État, auto-édition, ronéotypée, 1949, réédition : Économica, 1987.
*Teilhard de Chardin, prophète d’un âge totalitaire, Denoël, 1963.
*Dimanche et lundi, Denoël, 1966.
*Célébration du coq, Robert Morel, 1966.
*L’hommauto, Denoël, 1967.
*Le jardin de Babylone, Gallimard, 1969, réédition : L’Encyclopédie des nuisances, 2002.
*La fin du paysage (avec Maurice Bardet), Anthropos, 1972.
*Prométhée réenchaîné, auto-édition, ronéotypé, 1973, réédition : La Table ronde, La Petite Vermillon, 2001.
*Le système et le chaos, Anthropos, 1973, réédition : Économica, 1989.
*Tristes campagnes, Denoël, 1973.
*Notre table rase, Denoël, 1974.
*Le feu vert. Autocritique du mouvement écologique, Karthala, 1980.
*Je fus. Essai sur la liberté, auto-édition, Imprimerie Marrimpouey, 1980, réédition : Éditions Opales, 2000.
*Une seconde nature, auto-édition, Imprimerie Marrimpouey, 1981.
*Nuit et Jour, Économica, 1991.
*Sauver nos régions, Éditions Sang de la terre,1991
*Il court, il court, le fric, Éditions Opales, 1996.
*Un festin pour Tantale. Nourriture et Société industrielle, Éditions Sang de la terre, 1997.