Pure Performance Mountain Riding

Témoignage accident

Une combe de trop !   imprimer
   
 
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Sortie ski de rando à six personnes

Anne-Marie (chef de course) et Pascal, qui préparent l’initiateur ski de randonnée de la FFME, Sylvia et Jean, deux personnes qui profitent de l’encadrement, Marc et Philippe, deux personnes expérimentées, Philippe encadrant dans le club depuis sa création.

Nous nous connaissons tous bien, nous pratiquons le ski ensemble depuis quelques années.
Tous les participants sont équipés de l’ensemble Arva-sonde-pelle.

L’Arva de Jean ne fonctionne pas en réception (anomalie remarquée au départ, au moment du test des Arva).
Les conditions nivo-météorologiques étaient, ce dimanche 7 janvier 2007, les suivantes : au-dessous de 2 200 m risque limité, au-dessus de 2 200 m risque marqué, petite chute de neige (1 à 10 cm) en fin de nuit précédente, avec un vent de Nord-Ouest de 40 km/h. D’où le choix de cette course : les Ratissières, sommet de 2 865 m situé au Nord-Est des Aiguilles d’Arves, avec un itinéraire qui se déroule sur une croupe Sud-Est.

La voie normale est skiante, Philippe lorgne à la montée la combe Est par laquelle il a l’habitude de redescendre quand il fait cette course, ce qui permet de corser un peu cette sortie classique. Pendant la montée, il nous décrit l’itinéraire qui lui semble le meilleur pour la descente, avec son enthousiasme habituel. Marc n’est pas persuadé que ce choix soit pertinent, mais n’exprime pas clairement les raisons qui le font douter. En tant que chef de course, j’analyse un peu la combe, je note qu’elle est exposée Est (zone de dépôt privilégié d’après le BRA 'Bulletin d'estimation du Risque d'Avalanche de Météo-France) et qu’une corniche la surplombe. Pour moi, cela signifie que le vent a déposé de la neige sur la rive gauche, sous la corniche, mais que la rive droite n’est pas touchée : en faisant attention de ne pas passer sous la corniche, il ne devrait pas y avoir de soucis. Comme Philippe est confiant, je ne prends pas la peine de parler aux autres membres du groupe de mon analyse et de la corniche, qui était si visible que j’étais persuadée que tout le monde l’avait remarquée. Lors du « débriefing » postérieur, il s’avérera que personne ne l’avait vue, alors qu’ils avaient tous regardés la combe en montant.
Ayant l’habitude que Marc soit moins téméraire que Philippe et personne ne se manifestant sur les risques nivologiques, je ne vois pas de raisons de ne pas suivre l’itinéraire proposé par Philippe.

ratissieres

 

Nous nous engageons dans la descente. Après quelques virages sur la voie normale, nous bifurquons à l’Est et attaquons la combe par son centre. Cette pente me semblant demander de la prudence, je ralentis le groupe au sommet, afin que tout le monde ne descende pas en même temps. Parallèlement, Marc propose de s’écarter sur la combe pour limiter le risque. Jean et Sylvia restent avec moi en attendant que les premiers skieurs descendent, Marc et Pascal commencent à traverser quelques mètres sous nous. Philippe s’engage dans la pente dont l'inclinaison est au maximum de 30° (cf. carte : position victime 1). Lors de son deuxième virage, l’avalanche se déclenche.

Il est au sommet de la plaque, et la fissure se propage sur une distance de 150 m en rive gauche et pareillement en rive droite. Seul Philippe est emporté. La masse de neige mobilisée est énorme. Le temps de propagation de la fissure, ajouté à des pentes plus faibles en rive droite, font qu'une deuxième vague de neige glisse alors que Philippe est à mi- pente. Pascal nous crie d’essayer de ne pas le perdre des yeux : Sylvia et moi le voyons très bien : il reste dans l’axe, passe sous la surface de la neige en mouvement, puis est recraché par l’avalanche juste avant qu’elle s’arrête, 300 m plus bas (cf. carte : position victime 2). Philippe remue les bras et demande à ce qu’on vienne l’aider à se dégager. Nous cherchons un passage, mais cela n’est pas évident. Finalement, Philippe se sort seul de la neige, avec sa pelle. Il est choqué, mais a encore de bons réflexes : il se met à l’abri sur un mamelon que n’a pas recouvert l’avalanche (cf. carte : position victime 3).

carte

En haut, nous n’avons pas tout de suite les bonnes réactions pour organiser les secours. Tout d’abord, nous sommes un peu éparpillés, ce qui ne facilite pas la communication : Marc est descendu à la recherche d’un passage pour atteindre le fond de la combe, Pascal est à 200 m. Ne mesurant pas l’impact psychologique d’une telle expérience, nous demandons à Philippe d’essayer de remonter, pensant qu’une fois regroupés, nous trouverions un moyen de descendre ensemble par la voie normale, bien qu’il n’ait plus ni skis ni bâtons. Quelques minutes après que Philippe s’est dégagé, le brouillard monte vers nous et nous enveloppe. Nous n’avons plus alors avec Philippe qu’un contact verbal, et nous ne savons plus s’il continue à progresser ou pas. Je pense après coup qu’il n’a jamais eu l’intention de remonter, il voulait simplement sortir de la coulée.

Nous n’appelons les secours qu’à ce moment-là, soit vingt minutes après le déclenchement de l'avalanche. Pascal s’en charge, pendant que je fais remonter Sylvia et Jean jusqu’à la voie normale, par une épaule a priori stable (herbe apparente). Tous ensemble, nous prenons la décision de ne pas descendre, ne connaissant pas la stabilité du manteau neigeux resté en place, d’autant plus qu’il n’y a pas d'urgence vitale. Marc est plus bas sur la crête pour tenter de garder le contact avec Philippe.
De toute évidence, descendre dans la coulée pour porter les premiers secours et faire une recherche Arva n’auraient pas été aisés :
• Marc et Pascal, après leur traversée, ne pouvaient pas revenir en arrière sans risques ;
• j’aurais pu, pour ma part, descendre de là où j’étais restée, en suivant la trace de Philippe, mais cela aurait été délicat et long (passage d’une barre, neige gelée), alors que le temps est précieux dans ces cas-là ;
• de plus, je n’aurais pu être accompagnée que des personnes les moins expérimentées, et skieurs moyens (Jean et Sylvia), avec un Arva sur trois qui ne fonctionnait pas en mode recherche !

L’hélicoptère arrive rapidement (vingt minutes) et nous localise (nous avions donné notre position précise grâce à la carte IGN). Le brouillard refluant vers le bas au même moment, il peut donc se poser à côté de Philippe et le rapatrier. Une fois la manœuvre terminée, nous rejoignons Marc et commençons à descendre par la voie normale. Le PGHM fait une deuxième rotation pour vérifier que nous sommes capables de skier.

Merci à eux pour leur professionnalisme et leur attitude rassurante !



23/09/2009
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