ruée sur les terres africaines
La nouvelle ruée sur les terres africaines
De surcroît, pourquoi y a-t-il eu un accaparement des terres africaines par les pays riches ?
La réponse à la première question est que les richesses sont inégalement distribuées et que le contrôle et la possession de la richesse globale est dans les mains de quelques-uns. La réponse à la deuxième question est liée à la première et fait l’objet de cet article.
source : www.pambazuka.org - 12/10/2009
La ruée sur des terres en Afrique, au cours de ces douze derniers mois , trouve son origine dans nombre de facteurs qui ont trait au souci de la sécurité alimentaire globale. Entre en ligne de compte, en particulier l’augmentation du prix du blé entre 2007 et 2008, qui a généré des émeutes de la faim dans plus de 20 pays dans le monde, dont Haïti, le Sénégal, le Yémen, l’Egypte et le Cameroun.
La volatilité des prix sur le marché international et la spéculation sur les cours futurs ont contribué à cet état des choses. Les pays producteurs de denrées alimentaires ont imposé des taxes sur les aliments de base afin d’éviter leur exportation. Ces mesures ont contribué à l’aggravation de la situation. Les pays du Golfe, l’Arabie saoudite, Bahrein, Oman, Qatar (qui contrôlent le 45% de la production pétrolière) découvrent ainsi qu’ils ne peuvent plus se reposer sur les marchés régionaux ou globaux pour nourrir leur population. Ils se sont alors précipités vers l’Afrique pour y acquérir des terres et sont les pionniers de cet agro-colonialisme qui doit servir à nourrir leur population. La conséquence géopolitique de cette démarche va probablement faire des denrées alimentaires le prochain objet de convoitise après le pétrole. Par ailleurs, n’avoir pas tenu compte des tendances de l’environnement vers un changement climatique qui génère des pénuries d’eau et des sécheresses en de nombreux endroits, est un autre facteur.
La sécheresse pour les Masais de la vallée du Rift au Kenya et pour les fermiers du Punjab au Pakistan a été désastreuse. Ces éléments ont conduit des pays comme la Chine, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite et le Kuwait, pauvres en terres arables, à chercher des investissements dans l’agriculture en Afrique. Ils ont été rejoints par la Malaisie, le Qatar, Bahrain, l’Inde, la Suède, la Libye, le Brésil, la Russie et l’Ukraine. Les projections qui prévoient que la population mondiale va croître de 6 milliards à 9 milliards d’ici à 2050 donnent à penser que la production alimentaire va connaître ses limites. A moins de changer la façon de produire des denrées alimentaires, de diminuer la consommation des pays riches et de ralentir les effets pervers sur l’environnement, on va vers une catastrophe liée à la sécurité alimentaire générée par une augmentation de la demande qu’on ne parviendrait pas à satisfaire. Des pays comme l’Arabie saoudite, qui ne peut plus nourrir sa propre population, s’efforcent par tous les moyens d’acquérir de la terre dans d’autres pays pour remédier à cet état des choses.
Au cours des quatre derniers mois, une série d’articles dans les médias occidentaux, avec des titres comme "La précipitation sur les denrées alimentaires : les besoins de la Chine et de l’Occident précipitent l’accaparement des terres africaines " , "L’accaparement mondial des terres’’ , "les investissements en Afrique génère la peu de l’accaparement des terres’’ , ont mis en lumière une tendance émergente. Mis à part le côté sensationnaliste des titres, cette tendance est perturbante dans ce qu’elle implique au niveau politique et économique. La préoccupation réside dans ce que le directeur de la FAO , Jacques Diouf, a désigné sous le terme de "système néocolonialiste’’. Le vice-directeur de la FAO , David Hallam, estime que "ceci peut être une situation dans laquelle tout le monde gagne ou au contraire une forme de néocolonialisme aux conséquences désastreuses pour certains des pays impliqués. Le risque, pour certains des pays hôtes, en particulier ceux politiquement sensibles dépourvus de sécurité alimentaire, est qu’ils perdent le contrôle de leur propre ravitaillement alimentaire au moment où ils en ont le plus besoin’’.
D’autres ont parlé de "nouveau colonialisme’’ ou de "colonialisme agraire’’. La réalité est qu’au cours de l’année écoulée, des millions d’hectares de terre ont été loués par des pays comme le Ghana, l’Ethiopie, le Mali, la Tanzanie, le Kenya et le Soudan, à des fins de production agricoles ou de biocarburants. Par exemple, l’Arabie saoudite a approché le gouvernement tanzanien, en avril 2008, afin de louer 500 000 hectares de terres agricoles pour produire du riz et du blé.
Le pour et le contre de ces grandes acquisitions de terre a récemment été débattu dans un document intitulé : "Accaparement de terres ou opportunité de développement ? Investissement dans l’agriculture et les transactions agraires internationales’’, publié en juin par la FAO , l’institut pour le développement de l’environnement ( IIED ), et le Fonds international pour le développement de l’agriculture ( FIDA ). La position libérale des auteurs les amène à dire "que le but n’est pas de fournir des réponses définitives mais bien de faciliter un débat vigoureux entre gouvernements et secteur privé et les groupes d’intérêt de la société civile’’ . Ils soulignent qu’il y a un fossé entre annoncer un plan (de vente ou de location de terres) et l’acquisition de la terre pour ne rien dire du début de la culture’’. Ils maintiennent que ’’certaines de ces acquisitions sont sans précédent et concordent avec The Economist qui affirme que l’investissement dans des fermes étrangères n’est pas nouveau’’.
Ce qui est sans précédent c’est d’abord l’échelle de ces transactions agraires. L’institut de recherche de Washington DC, le International Food Policy Research Institute ( IFRI ) (Institut international de recherche de politiques alimentaires) estime que les transactions valent entre 20 et 30 milliards de dollars et impliquent entre 15 et 20 millions d’hectares de terres arables dans les pays pauvres en Afrique, au Cambodge, au Pakistan et aux Philippines.
Selon la FAO, ces énormes transactions pourraient n’être que le sommet visible de l’iceberg. Déjà, 2.5 millions d’hectares de terres arables dans cinq pays subsahariens ont été achetés ou loués au cours de cinq dernières années, pour un montant total de $920 millions (£563Millions) .
La deuxième caractéristique de ces nouvelles acquisitions de terre est qu’elles sont focalisées sur des denrées (par exemple : blé, maïs, riz) ou la production de biocarburants. Par exemple, en 2002, le Soudan a signé avec la Syrie un accord spécial d’investissement dans l’agriculture. Celui-ci implique un bail de location de 50 ans entre le gouvernement soudanais et le gouvernement syrien. Selon la FAO, ’’Il est rapporté que la compagnie saoudienne Hadco a acquis 25 000 hectares de terres arables au Soudan, 60% des coûts du projet étant payés par l’organisation gouvernementale le Saudi Industrial Development Fund . En Ethiopie, le gouvernement de Meles Zenawi a récemment accepté une transaction de 100 millions de dollars permettant à l’Arabie saoudite de cultiver de l’avoine et de l’orge.
Dans le passé les investissements dans l’agriculture provenaient d’investisseurs privés. Maintenant, les nouvelles transactions se traitent entre gouvernements. Parfois, les acquéreurs sont des compagnies étrangères. Les vendeurs sont les gouvernements hôte qui dispensent des terres, comme le Cambodge qui a loué des terres à des investisseurs du Koweit en août 2008. La même année, les gouvernements du Qatar et du Soudan ont conclu un accord pour une entreprise conjointe au Soudan.
La terre est généralement rendue disponible au travers de baux à loyer ou des concessions, mais parfois elle est achetée. La FAO souligne que "pour compliquer encore un peu les choses, il n’y a pas un modèle dominant pour les arrangements financiers ou de propriété, mais plutôt une grande variété d’arrangements spécifiques à des endroits, entre gouvernement et secteur privé".
Est-ce une situation où tout le monde gagne ?
Le document de la FAO essaie de naviguer entre deux eaux en soulignant les avantages de ces transactions agraires et en faire la critique. Les auteurs écrivent : "Cette situation à l’évolution rapide crée des opportunités, des défis et des risques. Une augmentation des investissements peut amener des bénéfices au niveau macroscopique (croissance du PIB et des revenus du gouvernement) et générer des opportunités pour améliorer le niveau de vie local. Pour des pays plus pauvres, pourvu d’une relative abondance de terre, ces nouveaux investisseurs peuvent amener du capital, de la technologie, du savoir-faire, l’accès aux marchés et peuvent jouer un rôle important de catalyseurs du développement économique rural. D’autre part, des acquisitions à large échelle peuvent entraîner, pour la population locale, l’accès aux ressources dont elle dépend pour sa sécurité alimentaire et sa survie. "
Ce que ces transactions ne disent pas, c’est le coût, pour l’environnement, des pratiques d’agricultures intensives, c’est-à-dire, les sols dévastés, l’assèchement des nappes phréatiques et un environnement ravagé par la contamination chimique.
Ce coût sera à la charge du pays hôte et ne sera pas différent des ravages de l’exploitation menée par Shell dans le delta du Niger au Nigéria.
Dr Vandana Shiva, la directrice de Research Foundation for Science, Technology and Ecology en Inde, met en question l’enthousiasme de l’Occident pour les biocarburants qui ne nécessitent pas seulement des millions d’hectares mais sont aussi, comme elle le souligne, « très centralisé et industriels’’ . Ils sont ainsi un élément caché de la flambée des prix des denrées alimentaires en 2007-2008. La production des biocarburants comme alternative aux énergies fossiles a en effet contraint de nombreux fermiers de changer leur production sur des terres qui autrement aurait produit des denrées alimentaires. Dans la région de Chattisgarh, dans le centre de l’Inde, des villageois ont arraché des champs entiers de jatropha (le jatropha produit une graine qui peut produire des biocarburants). Une femme qui a été emprisonnée pour avoir arraché de la jatropha a énoncé les choses clairement : "le problème que nous avons avec le jatropha c’est qu’on ne peut pas le manger. On ne pas le brûler. On ne peut l’utiliser pour rien. Les pauvres doivent vivre de leur terre. Jatropha n’est utile que comme carburant. Comme nous n’avons pas de véhicule, cela n’a pas de valeur pour nous. Un autre grand problème c’est que si nos animaux mangent du jatropha, ils meurent’’.
Il est rapporté que récemment des terres au nord du Ghana ont été offertes à une compagnie norvégienne produisant des biocarburants, qui veut créer une immense plantation de jatropha. La population du nord du Ghana devrait être attentive à l’expérience des villageois dépossédés de Chattisgarh, qui souhaitent l’autosuffisance alimentaire et dont on a donné les terres pour la culture du jatropha à des fins lucratives. Walden Bello soutient avec raison que lors de l’indépendance beaucoup de pays africains étaient autosuffisant du point de vue alimentaire et exportaient des excédents. Cette situation a changé. Les politiques d’ajustement structurels imposées par le FMI et la Banque Mondiale , au cours des années 1980 et 1990, ont contribué à détruire l’agriculture en imposant des conditions qui étaient le prix à payer pour obtenir leur aide pour le service de la dette.
Les gouvernements africains ont été obligés d’abandonner leur contrôle et les mécanismes de soutien et de surcroît "ont dû renoncer à contrôler le prix des engrais en même temps qu’ils ont été contraints de diminuer les systèmes de crédit agricoles. Ce qui a conduit à des investissements moindres et donc à des récoltes moindres.’’. Le FMI et la Banque Mondiale ont insisté que leurs politiques favoriseraient les investissements étrangers directs. Mais les prédictions néolibérales se sont avérées fausses. C’est exactement le contraire qui s’est produit. Le retrait de l’Etat a entraîné le désengagement plutôt que l’engagement.
En résumé, comme dans de nombreuses autres régions, les ajustements structurels n’ont pas simplement été une diminution des investissements de l’Etat, mais bien la défection de l’Etat.
Actuellement, des gouvernements africains comme l’Ethiopie et le Soudan donnent pour raison de leur invitation à des pays riches à venir acquérir des terres dans leur pays, leur quête d’investissements directs. Même avant ces acquisitions sans précédent, les paysans en Afrique ont été forcés de produire des denrées voulues par le marché s’ils voulaient survivre. Peu de fermiers avaient vraiment le choix. Ils se sont souvent endettés pour acheter ou louer des machines, obtenir un crédit pour acheter de la semence et des engrais ou abandonner leur ferme pour migrer vers les centres urbains en quête d’une source alternative de revenus.
De façon générale, ces achats de terre présentent des risques économiques et politiques colossaux qui dépassent largement les bénéfices. Les raisons sont nombreuses.
Primo. L’asymétrie des relations de pouvoir dans ces transactions met en péril la subsistance des pauvres. Essentiellement, les investisseurs étrangers ont, par le pouvoir de l’argent, les moyens d’acheter les élites locales et gouvernementales. De cette façon, les petits fermiers seront légalement piétinés, déplacés, sinon spoliés de leur terre. Ruth Meinzen-Dick, une chercheuse à l’ IFPR souligne ainsi que "le pouvoir de marchandage est du côté des investisseurs étrangers lors de la négociation de ces accords, en particulier lorsque leurs aspirations sont partagées par les pays hôte et les élites locales.’’
Souvent ces petits fermiers sont peu scolarisés et ne comprennent pas l’implication des documents légaux. Par ailleurs, les Nations Unies et d’autres agences mettent en garde contre le fait que de nombreux fermiers africains, qui n’ont pas de titre de propriété pour la terre qu’ils cultivent, seront simplement poussés dehors pour le profit d’un investisseur. Par ailleurs, nombreux sont les pays africains qui n’ont pas mis en place les mécanismes légaux ou de procédure qui protégeraient les droits de ces petits fermiers. Facteur aggravant, le manque de transparence dans le processus et l’absence de contrepoids. Ceci est un terreau fertile pour la corruption, particulièrement parce qu’il y a souvent loin entre le codes de procédure et la réalité sur le terrain qui peut être manipulée à des fins d’intérêts particuliers.
Est-ce juste une question de transparence ou est-il nécessaire de créer un code de conduite ? La réunion du groupe des pays riches, le G8, qui s’est tenue en Italie, en juillet, a promis de développer une proposition sur les principes et meilleures pratiques en matière d’acquisitions de terre dans les pays en voie de développement. Ce code de conduite est soutenu par l’IFPRI et l’Union africaine (UA)
Le discours des agrobusiness occidentaux, qui dit que tout le monde gagne, cache le fait, comme le souligne Raj Patel, qu’ " au moment où les banques récupèrent, rachètent les terres, le taux de suicide chez les fermiers du monde entier a flambé’’. Le taux de suicide chez les fermiers africains est, lui, inconnu, selon P. Sainath. Par contre, entre 1997 et 2007, le chiffre officiel des fermiers indiens qui se sont suicidés est de 182 936. Il écrit que ceux qui ont attenté à leur vie étaient endettés – l’endettement des ménages de fermier a doublé dans la première décennie des "réformes économiques néolibérales’’ . Dans l’intervalle, il est ironique de noter qu’au moment où les paysans se suicident, le gouvernement indien s’efforce d’acheter de la terre en Ethiopie et au Soudan afin de produire des denrées alimentaires.
La détresse sociale se mesure à l’aune du taux de suicide en augmentation dans des pays comme le Sri Lanka, la Chine et la Corée du Sud. "Ceci représente non seulement des tragédies individuelles, mais aussi une tragédie sociale’’ souligne Patel. (1 ). Elle dit l’impuissance économique et politique de la communauté. Elle constitue un symptôme aigu de l’incapacité de la société à assurer non seulement sa souveraineté alimentaire, mais aussi sa sécurité économique, qui échappent à la population. Elle est aussi indicatrice de l’absurdité de la logique capitaliste de libre entreprise cher à l’Organisation Mondiale du Commerce ( OMC ), qui décrète que la compétition et la volonté élimineront les producteurs inefficaces.
Dans l’intervalle, les producteurs en Occident continuent de recevoir des subsides qui leur donnent une longueur d’avance dans ce jeu capitaliste, leur permettant de vendre moins cher que les fermiers africains.
Pourquoi la ruée sur les terres est un sujet critique pour l’Afrique ?
Pour la majorité des Africains, la terre est une sujet émotionnel et politique. Il suffit de regarder l’histoire de la colonisation en Afrique, dans des pays comme le Zimbabwe, le Kenya et l’Afrique du Sud, pour comprendre que la terre n’est pas seulement une ressource économique et source de vie, mais qu’elle est aussi liée à l’identité. L’acquisition continue de terres africaines est un sujet critique pour l’Afrique, parce qu’elle fait partie intégrante de la dimension néocoloniale du partenariat qui existe entre les élites africaines, les gouvernements occidentaux et les multinationales. Une telle classe continue de favoriser l’Etat rentier, c’est-à-dire qui alloue des ressources (pétrole, diamants, coltan ou de la terre) afin de consolider sa propre base économique et politique dans le but de renforcer son régime illégitime en terme de défenses et de sécurité, ressources allouées au détriment de la majorité africaine.
Franz Fanon a justement décrit cette élite comme ne considérant pas "qu’elle a quelque chose à voir avec la transformation de la nation mais plutôt, prosaïquement, d’être la courroie de transmission entre la nation et le capitalisme rampant, quoique que camouflé, qui aujourd’hui porte le masque du néocolonialisme’’ .
Conscient de ce masque, nous devons demander : dans quelle mesure les dirigeants du Soudan et de l’Ethiopie sont–ils différents des chefs et rois africains qui à l’époque du colonialisme ont signé les documents qui les dépossédaient sans qu’ils sachent véritablement ce qu’ils signaient ? Aujourd’hui, à la différence des chefs africains de l’époque coloniale, des dirigeants africains comme Meles Zenawi et Omar Bashir signent de tels contrats avec calcul. La question est alors de savoir si l’Europe, la Grande Bretagne et les Etats-Unis se seraient développés comme il le sont aujourd’hui, s’ils avaient vendu ou loué d’immenses terres de leurs pays à d’autres pays.
La mise à disposition de l’étranger des terres africaines est un aspect profondément négatif de la globalisation et il est nécessaire que nous empêchions nos dirigeants de transformer de nouveau l’Afrique en une colonie. De telles entreprises néocoloniales recolonisent indirectement les ressources africaines et il est peu vraisemblable qu’elle profite équitablement à toutes les parties.
Par exemple, l’Union européenne (UE) a versé, en 2008, 125 millions de livres pour l’autorisation permettant à la flotte de pêche européenne moderne de pêcher dans les eaux des pays en voie de développement. Cette transaction est controversée et continue de l’être. Pendant des années des chalutiers du monde entier, mais plus particulièrement d’Europe, ont pêché le long des côtes du Sénégal. Certains légalement, d’autres illégalement. Chaque année, environ 25 000 tonnes de poissons sont exportés vers l’Union européenne. De nombreux grands chalutiers battent pavillon sénégalais et sont supposés être des bateaux de ce pays. Mais Moussa Faye d ’ActionAid , qui fait campagne contre la surpêche, remarque : "Ils flouent le gouvernement sénégalais et le peuple sénégalais, parce que ce sont des entreprises européennes qui viennent pour nos ressources et qui exportent le poisson et le profit. Je pense que la pêche devrait servir la population sénégalaise et devrait être la source de subsistance des gens d’ici. Or il y a une sérieuse limitation du nombre de chalutiers autorisés à pêcher, alors qu’au Sénégal nous dépendons principalement du poisson pour l’apport en protéines. Ce qui signifie un apport protidique diminué pour ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter de la viande. Le résultat sera de la malnutrition’’.
Tout comme les chalutiers européens engagés dans la pêche dans les eaux africaines pour leur propre population, il n’y a aucun doute que les pays qui achètent des terres africaines cherchent à s’assurer l’accès à une nourriture bon marché pour leur propre population. De même que durant la période de la traite des esclaves et des colonies, les nations européennes ont réussi à maintenir un contrat social tacite avec leurs classes ouvrières : la classe dirigeante s’efforçait d’éviter trop de faim et de privations en s’assurant que suffisamment de nourriture était disponible. Ce contrat s’est réalisé au détriment de millions d’esclaves africains dans le Nouveau Monde et des sujets coloniaux dans les colonies africaines qui produisaient à bas prix du sucre, du thé, du coton, du caoutchouc, de l’étain, de l’huile de palme qui étaient envoyés vers les métropoles.
Aujourd’hui comme alors, le sucre bon marché et autres produits agricoles sont destinés à pacifier les ouvriers européens. A la lumière des émeutes qui ont eu lieu dans plus de 20 pays dans les années 2007-2008, la flambée de nouvelle transactions joue un rôle similaire, en pacifiant les citoyens au détriment des pauvres d’Afrique et, particulièrement, au détriment des communautés paysannes africains. Dans une telle situation, qui va nourrir les Africains affamés ?
Que faire ?
Les paysans malgaches ont récemment montré aux paysans dans le monde ce qu’il y a à faire. Leur exemple requiert une plus grande couverture médiatique afin de faire connaître leur résistance victorieuse à la globalisation et aux transactions concernant les terres. Ils ont récemment résisté à une transaction entre Daewoo Logistic s de la Corée du Sud et le gouvernement de Marc Ravalomana.
Lorsqu’il a été annoncé que le gouvernement de Marc Ravalomana était entré dans une transaction avec la compagnie de