Notre monde, aujourd’hui globalisé, héberge toujours 850 millions d’affamés
L’évacuation des campagnes et la faim du monde
Les statistiques sont désespérantes
Certes, les chiffres sont trompeurs et incertains. La faim est une maladie silencieuse et personne ne fait plus aujourd’hui d’enquêtes au coeur des brousses ou des banlieues. Mais, il n’est pas besoin de beaucoup de statistiques pour savoir que nous allons dans le mur. Il y aurait 1,2 milliard de pauvres à moins de 1 dollar par jour - ce qui, là encore, n’a pas grand sens : un rural africain se considèrerait très à l’aise avec un dollar quotidien ! Et, tout nous fait craindre une véritable hémorragie paysanne. Le déclin et la volatilité des prix agricoles entraînent les paysans dans une spirale de la paupérisation, de l’endettement et de l’exclusion. La compétition entre agricultures et agriculteurs du monde, orchestrée par les accords négociés dans le cadre de l’OMC, provoque cet effondrement des prix et l’élimination des compétiteurs les plus faibles. Une spirale sans fin, car, si rien ne l’interrompt, les compétiteurs forts imposeront leur ratio, à savoir 2 à 4% de personnes dans la production agricole. Les paysans sont toujours aujourd’hui 50% de la population mondiale soit 3 milliards de personnes. 2, 6 milliards de paysans (hommes, femmes et enfants) vont donc devoir lâcher prise et disparaître comme acteurs économiques formels. Cette paupérisation hémorragique est un drame pour les paysans, mais elle constitue aussi un danger majeur pour l’humanité toute entière. C’est l’une des questions contemporaines les plus lourdes de conséquences.
Malgré l’engagement des chefs d’Etats lors du Sommet du Millénaire de réduire le nombre de pauvres de moitié d’ici 2015, le milliard deux cent millions de pauvres risque au contraire de grossir considérablement des deux milliards de paysans exclus de leur terre et du croît démographique que l’on nous promet. Pourra-t-on créer quelques deux milliards d’emplois salariés ou, grâce au microcrédit, autant de microentreprises ? Aura-t-on les moyens de développer des politiques sociales mondiales et de créer un revenu universel minimum ? Bien sûr que non. Cette situation devient ingérable. On ne peut croire que les citoyens du XXI ème siècle puissent se désintéresser de ces processus dramatiques de paupérisation des personnes et des Etats et n’aient d’autre ambition que de contenir cette pauvreté mondiale, en attendant que les guerres, les maladies et la famine, les trois fléaux du XIV ème siècle européen et malheureusement déjà à l’œuvre dans de grandes régions africaines, viennent frapper et réduire ces milliards d’exclus.
C’est inacceptable et, donc, il n’y a donc pas lieu de l’accepter
Il faut d’urgence :
mettre la question de la mise en compétition entre les agricultures du monde et de l’exclusion des paysans au cœur de la négociation commerciale internationale,
porter attention aux consommateurs urbains pauvres en favorisant leur réinsertion dans l’économie, que ce soit dans des économies locales ou dans l’économie mondialisée, et leur permettre ainsi d’acheter leur nourriture mais aussi de se soigner et d’envoyer leurs enfants à l’école
enfin, aborder sérieusement et sans timidité la question démographique.
Henri Rouillé d’Orfeuil, Président de Coordination SUD, les inofs du MRJC n°48, juin/juillet/août 2005.