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Castaneda,le Chaman

 

 

 

 

 

 Les récits de l'initiation de Carlos Castaneda par un sorcier Yaqui du Mexique constituent la plus célèbre tentative moderne de description du mystère. Irrationnels, troublants, confus parfois, ils résonnent comme ces rêves auxquels ils se réfèrent sans cesse.


Castaneda dit avoir rencontré don Juan Matus, un chaman yaqui, au cours d'un voyage qu'il effectuait au Mexique en 1960 comme étudiant en anthropologie. Cette rencontre, qui se révéla déterminante dans la vie de l'anthropologue, marqua le début d'un apprentissage (1961-1973). Les leçons de don Juan sont à la base de tous les livres de Castaneda. Mais l'influence du chaman se fait particulièrement ressentir dans ses quatre premiers livres très applaudis : Voir les enseignements d' un sorcier yaqui ( 1968), L'Herbe du diable et la petite fumée (1971), Le Voyage à Ixtian (1972), et Histoires de pouvoir (1974). L'apprentissage de Castaneda prit fin en 1973 lorsque le chaman disparut dans des circonstances étranges. Castaneda reprit le flambeau de son maître, lançant la « Tenségrité », une discipline visant au « redéploiement de l'énergie ».

 

Castanéda répond : " ou nous éduque pour voir et pour comprendre le monde, et de ce fait ce que nous nommons réalité n’est qu’une certaine façon de concevoir le monde ; le poids de notre société humaine nous convainc que cette conception est à l’intérieure des limites du monde réel.Ce que nous nommons réalité n’est qu’une façon de voir le monde, mais ce n’est pas la seule.... "Juan, le sorcier, emploie des drogues au début de l’initiation pour éveiller le candidat, " casser " ses habitudes de pensée rationnelles, afin de déstabiliser son cadre conceptuel et de l’ouvrir vers d’autres manières d’approcher l’Univers. Il affirme " Aucune voie ne mène nulle part, l’important est de savoir si la voie que tu prends " a un coeur "... l’homme de connaissance doit être capable d’oublier des savoirs, de renoncer à ses interprétations, d’accepter que la mort soit sa compagne... appréhendant alors la réalité telle qu’elle est, il entre dans ce niveau supérieur où il se trouve pleinement lui-même, où il se trouve " bien " ! 

 

"Castaneda, le disciple de Don Juan

Se présentent alors à lui les Portes de Rêver, qu'il doit franchir une à une. La première est celle de l'attention. Don Juan invite son disciple à devenir conscient du moment précis où il s'endort, puis à rêver toujours du même décor en essayant de voir ses mains dans son rêve. Afin de ne pas laisser celui-ci passer anarchiquement d'une scène à l'autre, il lui conseille d'observer par de brefs regards indirects chaque objet présent dans le rêve, en revenant chaque fois au premier d'entre eux. Après de longs mois d'échec, Castaneda parvient peu à peu à arrêter le défilé des scènes, ses mains lui apparaissent de plus en plus souvent. Il a atteint la "seconde attention" qui lui procure, en même temps qu'une certaine assurance, de curieuses sensations, comme celle de rouler sur lui-même au moment de l'endormissement, où d'entendre une voix lui enjoignant sans cesse de "regarder les choses" et que don Juan lui conseille de faire taire en hurlant !

Il est devant la seconde Porte, qui consiste à passer d'un rêve à un autre sans sortir de l'état de rêveur, soit en rêvant qu'il s'éveille du premier pour passer dans le second, soit en atteignant celui-ci à partir d'un élément du premier. Les Rêves qu'il fait alors sont habités par des "êtres inorganiques", éléments énergétiques conscients, opaques, en forme de fuseaux, de boules, de cloches ou de tigres à dents de sabre, et irrésistiblement attirés par l'énergie humaine. Les "esprits" du chamanisme primitif ? Don Juan ne donne pas la réponse, mais admet la nécessité de prendre comme allié le premier émissaire envoyé par eux, à condition de rester conscient et maître du contact, qu'il enjoint Castaneda de ne pas prolonger en raison de l'inévitable tribut énergétique exigé en échange des pouvoirs accordés. Fasciné et "accro" au voyage, Castaneda dédaigne ses conseils, s'affaiblissant inexorablement jusqu'au jour où, jouant sur sa pitié pour une fillette prisonnière, les êtres inorganiques réussissent à l'attirer lui aussi tout entier, corps physique inclus. Don Juan et ses partenaires sorciers parviennent à le ramener sur terre. Il met des mois à se remettre du choc d'avoir dû vérifier à ses dépens qu'il ne s'agit pas du monde des rêves ordinaires mais bien d'une autre réalité, ce que don Juan lui répètait depuis le début sans qu'il y croie vraiment.

Il apprend qu'une fois encore il suffit d'exprimer clairement une ferme intention pour que ces êtres le laissent en paix, libre d'accéder au seuil de la troisième Porte, qui consiste à faire fusionner monde du rêve et monde quotidien. Intention, prudence, impeccabilité du guerrier sont plus que jamais nécessaires, et s'acquièrent en rêve par l'observation des détails, sans se laisser absorber par aucun, et dans l'éveil par la récapitulation de toute sa vie. Chaque personne rencontrée, chaque instant vécu depuis son enfance est examiné, d'abord systématiquement puis en laissant son esprit choisir les événements. Aidé par des méthodes respiratoires enseignées par don Juan et par les progrès de sa mémoire obtenus grâce au Rêve, Castaneda se libère ainsi de toute attache affective, de toute charge émotive, et renforce son énergie. Se voir endormi puis stabiliser le point d'assemblage de son corps énergétique dans une nouvelle position constitue l'étape suivante. Il peut alors se déplacer en Voyant l'énergie de tout ce qui l'entoure et  rencontrer d'autres êtres inorganiques, encore plus prédateurs. De Rêveur le sorcier devient Traqueur, car tout en se protégeant il doit extraire de ces mondes l'énergie qui lui permet de Voir que la conscience est un rayonnement énergétique universel, dont il se servira comme d'un filin pour accéder, "avec son corps d'énergie et toute notre réalité physique", aux "autres couches de l'oignon" constituant l'univers. Surviennent alors des voyages fantastiques dont les récits nous laissent pantois, parfois frustrés, volontiers incrédules.

 

Tout au long de sa formation, Castaneda se fait l'écho de nos doutes sur la réalité de ces mondes. Onirique ne signifie pas irréel, s'acharne à lui expliquer son maître. La maîtrise du rêve ouvre les sens à un autre état de perception, l'attention que l'on y développe permet tous les exploits, et ceux-ci ont lieu dans des mondes aussi vrais que celui que nous offre nos perceptions normales.
 Pour achever l'apprentissage du rêveur, le "défieur de la mort", premier sorcier de la lignée de son maître, incarné en femme, lui indique que s'endormir sur le côté droit, genoux légèrement fléchis, lui procurera lors de l'incorporation du corps énergétique le contrôle parfait de l'immobilisation du point d'assemblage, permettant de passer à un monde Rêvé mais parfaitement réel. L'entraînant dans son propre passé, elle lui ouvre la quatrième Porte de Rêver, qui donne sur d'autres lieux encore, concrets, présents soit dans ce monde soit en dehors, ou dans celui de l'intention d'un autre rêveur. En échange de l'énergie dont elle a besoin pour maintenir son immortalité, elle lui offre la capacité de "voler sur les aile de l'intention", dont, comme des trois Portes suivantes, Castaneda ne dit rien. Voir, Pouvoir, Rêver, les dons sont infinis et les leçons arides. En bon sorcier, en bon praticien du teasing marketing diront les critiques, Castaneda nous laisse ainsi à la fin de chaque livre avec la frustration d'un enseignement inaccessible au commun des mortels, une connaissance partielle apparemment impraticable, et, comme il le dit lui même, le vague "pressentiment que l'incommensurable est à portée de main". A portée de nos rêves ?

(Sylvain Michelet, Le Grand livre des rêves, à paraître aux éd. Albin Michel, sept. 99)

 


 



12/10/2011
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