Pure Performance Mountain Riding

Pierre Allain

 

 

 

 

Pierre Allain

 

 

 


 

 

 

 

Pierre Allain , ce nom que l'on a dit commun se cache derrière toutes les pièces maitresses de notre équipement de grimpeur, et d'alpiniste lorsque avide d'air frais nous quittons nos chères falaises transpirantes pour quelque face alpine. Mais qui diable est ce Pierre Allain après qui maints grimpeurs pestent à la recherche de ses traces dans une face sud de la Meije où le cinq sup prend des allures d'horizon inaccessible.
Plus de trente ans ont passé depuis des premières avant gardistes qui firent crier " au fou " certains de ses contemporains dépassés par les idées novatrices de l'énergumène. Aujourd'hui l'évocation de la " Très vielle et très pure lumière du rocher " demeure une référence souvent citée, comme une marque de fabrique sur la pratique moderne de l'escalade et de l'alpinisme elle-même, bien au delà de l'estampille apposée sur de géniales ferrailles .

Alors grand saut en arrière pour comprendre ce qui secoua très fort le vieil arbre de l'alpinisme de grand papa pour lui donner les branches vertes d'une conception nouvelle.

 

Les débuts de Pierre Allain en 1931 ne sont qu'un très bref préambule aux choses sérieuses. Loin de tergiverser -berloter arrivera plus tard- en de timides balbutiements il s'affirme de suite comme un grimpeur émérite. La découverte des riches escalades de Fontainebleau sont une révélation.
Les passages gravis sont aujourd'hui encore cotés six et des brouettes !!!
L'Angle Allain au Rempart, la Marie-Rose au Cuvier demeure d'actualité à l'heure du neuvième degré. Dans cette recherche opiniâtre de la difficulté une idée décisive pointe son nez. Pierre Allain et ses amis Latour, les frères Leininger, Guy Poulet et plus tard Poincenot -dont il dira l'exceptionnel grimpeur lors de sa disparition- prennent conscience que leur art de l'escalade poussé dans ses extrèmes limites peut leur permettre de faire reculer celles d'un alpinisme enclavé dans ses exploits passés qui font que par trop régner le concept de leurs acteurs. Pierre Allain ne souffre d'aucun à priori réducteur d'inspiration, il va de l'avant bousculant sans vergogne le conformisme alpin. Pour lui escalade pure et réalisation d'envergure sont liés, mais il avoue également que ces " cailloux à frotter les casseroles " dixit les chamoniards, sont aussi une fin en soi, fréquentable en dehors de l'idée même d'un entrainement alpin. L'escalade pour elle seule, le geste juste, la force et la technique pour un seuil à franchir dont nombre ne saisiront l'intéret que bien plus tard.

A peine deux ans après ses débuts les premières se succèdent. Des problèmes bleausards aux problèmes alpins c'est avec la même fougue, la même insolence que " l'honorable grimpeur " devenu " très pure lumière " démontre la supériorité de sa conception.
Les lourdes chaussures à clous sont vite reléguées au profit d'espadrilles, alors d'un emploi courant hors des alpes, qu'il améliore de semelles en caoutchouc, prémices du bricolage de génie qui va faire de Pierre Allain le père de notre matériel de grimpeur. Intermède garde-robe avec la conception et la fabrication d'un matériel de bivouac léger mais des plus performants: la veste en duvet reste le meilleur moyen de ne pas claquer des dents lorsque l'on jouit d'une succulente insécurité sur une vire en l'attente du jour.

Pierre Allain fait sienne cette formule : " De l'audace dans la conception, de la prudence dans la réalisation. "

 

Exemple emblématique de la réussite totale, la Face Nord des Drus gravie en 1935.
Elle a déjà repoussé parmi les plus en forme des grimpeurs de l'époque. Sûrement leur niveau technique n'était pas mis en cause, c'est l'idée seule d'une barrière, sorte de limite subjective qui repoussera les premières tentatives.
La barrière franchie lors de cette première des Drus est double: accepter l'utilité d'un assurage en cours de longueur au moyen de pitons et fort de ce dégagement du souci d'une chute fatale laisser s'exprimer le grimpeur pouvant ainsi donner le meilleur de son art non plus au raz du sol mais engagé dans un passage à l'issue inconnue.

Flash-back , 1er août 1935 , Pierre Allain arrive au pied du crux qui repoussa le suisse Lambert. Deux fissures parallèles entaillent le granit sur quarante mètres.
(...)" Je sors la quincaillerie: pitons, mousquetons, et marteau-piolet, et me suspends cet attirail à la ceinture.
Ainsi harnaché, je pars, une main dans chaque fissure, les pieds en opposition sur la dalle ou dans les fissures suivant la conformation du rocher, solidement assuré par un piton préalablement planté au départ.(...)
Le cliquetis d'un mousqueton recevant la corde donne la sécurité d'une nouvelle position de départ ainsi qu'un temps de repos.(...)
Nous nous félicitons de l'efficacité de notre style, acquis grâce à un entrainement méthodique et continu dans les rochers de Fontainebleau... " Alpinisme et compétition.

Le style et le concept affirmés il restait un hic quant au progrès en route. Le matériel est parfois désuet, lourd ou peu en phase avec les possibilités de l'utilisateur.Vous imaginez Vatanen avec une 2cv ?

 

L' inventeur

Les mousquetons utilisés sont en acier lourd. Ils nous viennent des pompiers de Munich chez qui Otto Herzog, alpiniste allemand, avaient observé cette pièce métallique lors de leurs interventions.
L'ancien ouvrier tourneur en quête d'un vrai matériel à la hauteur des exigences de ce nouvel alpinisme fabriqua alors un mousqueton en alliage léger et fort résistant (1600 kg doit ouvert pour 55 gr pièce !!!) dès 1939; notre mousquif a donc soixante ans !!!

 

Les espadrilles à semelles de corde, de crêpe ou de caoutchouc manque de technicité. L'adhérence est poussée à l'extrème obligeant à un style athlétique.
Les P.A sortent en 1948 révolutionnant définitivement l'escalade rocheuse, le gratonnage et l'adhérence se conjuguent. Pendant longtemps le modèle est resté la référence de tout grimpeur. Passant aux mains d'Emile Bourdonneau, à qui Pierre Allain céda son produit , devenant ainsi la E.B, ce chausson d'escalade se voyait encore aux pieds d'Edlinger dans le Viol du Corbeau à Buoux en 1981!

" Les rappels çà se fait sur la cuisse " laissèrent tomber à sa sortie quelque sceptiques devant la trouvaille qui allait devenir ensuite si indispensable que les grimpeurs en général ne soupçonne même pas que l'on eut pu user d'une autre méthode. Descendeur se nommera cette pièce de métal léger qui permettra les grands rappels en toute quiétude et sécurité. Sa forme évoluera plus tard en huit mais le principe demeure le même. Le frottement de la corde se fait sur le métal et non plus sur le fond de culotte et le cou.
C'est à Uriage au dessus de Grenoble que Pierre Allain fabriquait ce matériel sur des machines qu'il avait lui-même conçues.
Seul le décrocheur n'aura pas le succès mérité. Sorte de crochet à ressort il permet d'effectuer des rappels sur une corde à simple avec la totalité de sa longueur. L'intérêt est double: la longueur nécessaire de corde est divisée par deux, gain de poids , ou si l'on a une grande corde les rappels possibles sont deux fois plus longs. Ce sont ces outils qui faisaient dire à leur inventeur que les descentes n'étaient jamais un problème grâce aux rappels toujours possibles.

 

Alpinisme et compétition

 

En 1949 parait " Alpinisme et compétition ". Au travers des pages de cet ouvrage sincère et authentique Pierre Allain explique son alpinisme. L'intérêt majeur réside pour lui dans la recherche de la difficulté en escalade, se mesurer avec une face toujours plus haute, plus raide!Trouver la ligne, franchir le passage clef avec un minimum de moyen : Pierre Allain n'eut recours à l'artif qu'une seule fois ! Les pitons n'étaient utilisés que pour l'assurage et à dose homéopathique. L'escalade libre pratiquée avant sa commercialisation et pas comme moyen mais comme objectif !!! Les idées qu'il expose sont novatrices presque insolentes, elles n'ont pas pris une ride depuis. Un demi siècle plus tôt il osait le mot Compétition, qualifiant justement cette émulation qui fait naître des voies toujours plus difficiles.



11/07/2011
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