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Pékin retire Avatar pour risque d'une prise de conscience collective

Les critiques de cinéma occidentaux auraient tout faux. Ils ont vu dans « Avatar », le dernier film phénomène de James Cameron contant l'affrontement entre un groupe minier, de mercenaires, et une population extraterrestre refusant d'abandonner ses terres riches en minerais, une dénonciation du génocide des Indiens d'Amérique. D'autres y ont perçu une charge contre les guerres du Vietnam, d'Irak ou d'Afghanistan ou encore une ode écologiste. Mais l'oeuvre spectaculaire du réalisateur de « Titanic » serait en fait une histoire chinoise. « Pour écrire son film, le réalisateur a dû certainement vivre en Chine plusieurs années », s'amuse Li Chengpeng, un bloggeur très populaire qui a, comme des milliers de ses compatriotes, vu dans le film une critique limpide du système d'expropriation immobilière semi-mafieux imposé aux citoyens de son pays. Le parallèle serait saisissant entre la fiction américaine et la réalité de la population chinoise, qui n'ayant pas le droit de posséder de la terre doit subir les caprices des collectivités locales, qui organisent, en collusion, avec des développeurs immobiliers, des expropriations forcées, prétextant des projets « d'utilité publique ». « Dans le film, le promoteur affirme qu'il veut contribuer à la croissance et apporter une nouvelle vie à des péquenots ignorants, mais les habitants, eux veulent continuer à vivre tranquillement », explique Li Chengpeng. Le groupe minier d'« Avatar » serait pour les Chinois une représentation des géants du bâtiment et ses mercenaires balafrés seraient les « cheng guan » tant redoutés dans le pays. Ce service de sécurité parallèle, obéissant aux seules autorités locales, est chargé des expulsions musclées. Agissant en toute impunité, ils ont, ces derniers mois, été impliqués dans des dizaines de drames qui ont choqué l'opinion. En novembre dernier, les internautes avaient découvert avec horreur une vidéo montrant Tang Fuzhen, une femme de quarante-sept ans, s'immolant par le feu sur le toit d'une maison pour protester contre son expropriation brutale. Sa mort avait enclenché un début de débat sur les textes de loi encadrant ces démolitions. « Les “cheng guan” pourraient presque demander un copyright à James Cameron », résumait, cette semaine, un autre internaute chinois emballé par le film, qui, après avoir déjà généré 100 millions de yuans de revenus (10 millions d'euros), devrait rapidement s'imposer comme le film le plus populaire de tous les temps dans le pays. Il doublera ainsi les 466 millions de yuans du « 2012 » de Roland Emmerich que le public local avait aussi adoré, car une partie de l'humanité y était sauvée dans des arches géantes construites par des ouvriers chinois au fin fond du Tibet.
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Avatar retiré de l'affiche Sorti le 4 janvier en Chine Avatar a fait exploser le box-office, note le Quotidien du Peuple. Les recettes auraient dépassé les 100 millions de yuans en une seule journée. Les spectateurs ont bravé un froid qu'on n'avait pas vu depuis 59 ans en formant des files d'attente à l'extérieur, une heure avant la projection du film au Musée national de la cinématographie de Chine, lune des trois plus grandes salles de cinéma de Pékin équipée de la technologie IMAX 3D (photo). Pour le réalisateur chinois Lu Chuan, Avatar signifiait aussi «une défaite totale» pour tous les producteurs chinois. «Je me suis soudain rendu compte à quel point nos films étaient éloignés dune beauté simple, de la pureté et des rêves passionnés. Nous, les cinéastes chinois, devrions avoir honte d'être aussi éloignés de la sincérité et de notre implication dans un carnaval de vulgarité, du tordu, du sombre et de l'absurde. » Mais ce succès foudroyant a effrayé le pouvoir. Selon le quotidien hong-kongais Apple Daily, le puissant distributeur d'Etat China Film a fait parvenir une notice à toutes les salles de cinéma du pays, exigeant que la version en 2D du film de James Cameron soit retirée des écrans à partir du 23 janvier alors qu'Avatar était censé rester jusqu'au 28 février sur les écrans, soit bien après les traditionnelles vacances du Nouvel An. Apple Daily avance deux raisons pour expliquer cette interruption prématurée. Non seulement Avatar empiète trop sur les parts de marché domestique, mais le film pousse aussi les spectateurs à s'interroger sur le sujet ô combien sensible en Chine des expropriations. Depuis plusieurs semaines, des internautes se sont en effet amusés à faire le rapprochement entre le sort dans le film des Navi, arrachés à leur terre et les fréquentes évictions de résidents chinois acculés à la volonté de promoteurs immobiliers peu scrupuleux. Mathilde Bonnassieux, sur le site Aujourd'hui la Chine, rapporte que Han Han, lun des blogueurs les plus réputés en Chine, a été un des premiers à noter la similarité entre la fiction et la réalité sur son blog : « Pour les spectateurs dans dautres pays, ce genre d'expulsion brutale est quelque chose qui dépasse l'imagination. Cela pourrait seulement se passer sur une autre planète - ou en Chine ». La version en 3D d'Avatar sera de son côté maintenue. Un risque calculé puisque qu'avec seulement 550 écrans 3D dans toute la Chine, souligne le Times de Londres, les spectateurs chinois n'auront pas d'autre choix pendant les vacances que de se ruer sur la superproduction Confucius, réalisé par Hu Mei avec la grande vedette Chow Yun-fat. Lire aussi The Guardian.


23/01/2010
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