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Les Alpes, un "château d'eau" ébranlé par le réchauffement du climat

Les Alpes, un "château d'eau" ébranlé par le réchauffement


           
 

Les Alpes sont certes un château d'eau, mais il fuit !" Cette réflexion, relevée lors de la synthèse des Etats généraux de l'eau en montagne, qui se sont achevés vendredi 24 septembre à Megève (Haute-Savoie), traduit la prise de conscience générale de la nécessité de mieux gérer la ressource.

Le constat est partagé entre les gestionnaires, experts internationaux et universitaires sur le caractère inéluctable du changement climatique : les températures ne cesseront pas d'augmenter, la diminution de l'enneigement et la fonte des glaciers vont perturber les régimes hydrauliques des grands fleuves européens qui ont leurs sources dans les Alpes et cela à une échéance annoncée de quarante à cinquante ans.

Les précipitations qui tombent aujourd'hui sous forme de neige tomberont sous forme de pluie, ce qui augmentera le risque d'inondations en aval en période hivernale, tandis que la disparition de la masse glaciaire engendrera une baisse conséquente des niveaux d'eau à la fin de l'été. Le niveau des barrages sera aussi affecté, entraînant une baisse de la production d'hydroélectricité évaluée à 15 % en moyenne.

"Aujourd'hui la question n'est plus d'en discuter, la question est de dire : on fait quoi ?", résume Jean-François Donzier, directeur général de l'Office international de l'eau, organisateur des rencontres. "Tout ce qu'il faudra faire, on le sait déjà, précise M. Donzier. Il ne s'agit pas d'innovation technologique, mais juste d'un changement de pratiques." Les montagnards sont ainsi appelés à économiser l'eau et à trouver tous les moyens de la stocker avant qu'elle ne s'échappe trop rapidement vers les plaines.

Certaines collectivités territoriales lancent déjà des programmes de suivi de la ressource. En Savoie, le conseil général possède un réseau de mesures sur les débits de sources gravitaires qu'il va renforcer dans les deux prochaines années. "L'objectif est d'avoir un état des ressources et des besoins en eau par usage sur l'ensemble de la Savoie, que ce soit l'hydroélectricité, l'eau potable, l'irrigation agricole, la neige de culture, sans oublier les milieux aquatiques pour les sports d'eau vive", explique Christian Mourembles, chargé de l'eau à la direction environnement et paysages du conseil général. "Nous devons comprendre jusqu'où nous pouvons aller et cela passe par une vision globale de tous les usages."

Reste ensuite à élaborer les stratégies de stockage : "On commence à redécouvrir que les lacs, les tourbières, la forêt, les pâturages, que certaines formes de pratiques agricoles favorisent le stockage de l'eau ou, en tout cas, ralentissent le ruissellement vers les plaines", remarque M. Donzier, qui voit là une opportunité pour réinventer une nouvelle utilisation du sol.

Antoine Rouillon, expert conseil des Etats généraux, estime que cela nécessite un changement radical des modes de décision. "Nous devons passer d'une logique réparatrice des milieux naturels dégradés à des procédures solides de prévention et prendre en compte les milieux aquatiques en préalable à l'aménagement du territoire, dit-il. Cela nous permettra de passer de la culture du jour d'après la catastrophe à la culture du jour d'avant."

Cette culture a un coût que les communautés montagnardes entendent partager avec les habitants des plaines. "Nous ne demandons pas de compensation mais bien l'identification des services que nous rendons et qu'ils soient rémunérés à ce titre", affirme Pierre Lachenal, directeur de la Société d'économie alpestre de la Haute-Savoie.

Une des propositions des rencontres est de développer une "hydrosolidarité" par des mécanismes financiers compensatoires aux aménagements, à l'instar de la taxe sur les espaces naturels sensibles prélevée par les départements sur toutes les constructions. Cette fiscalité permettrait d'instaurer une solidarité des plaines vers les montagnes et reconnaîtrait le rôle stratégique des politiques de gestion de la ressource en altitude.

Si ces convictions sont portées par l'ensemble des participants des Etats généraux, il reste à les faire partager bien au-delà des massifs alpins. "Cette prise en compte sera difficile", avertit Michel Dantin, député européen et président du comité de bassin Rhône-Méditerranée. Pour lui, "la directive cadre européenne sur l'eau n'a pas traité la question de la montagne et la Commission européenne n'a qu'une vue très lointaine de celle-ci : celle d'un territoire où il y a des ressources propres importantes, à savoir la neige !"

Nathalie Grynszpan


28/09/2010
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